Loup : l’avis du Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité

Loup : l’avis du Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité

© Jérémy Mathieu
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Loup au parc national de Yellowstone © Jérémy Mathieu

Le conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité (CSPNB) est chargé d’une fonction de veille, de conseil, d’alerte et de réflexion prospective sur l’ensemble des questions scientifiques concernant le patrimoine naturel terrestre et aquatique (eaux douces ou marines), qu’il s’agisse de paysages, d’écosystèmes, d’espèces ou de génomes. Il émet des avis scientifiques destinés à éclairer les choix politiques, à la demande du ministre chargé de l’Environnement.

Le résumé de son analyse concernant la politique de gestion du loup en France (la version longue –> ICI) :

Quelques points à retenir pour les politiques publiques sur le loup

Les fonctions exercées par les grands carnivores et en particulier le loup ont été bien démontrées dans d’autres pays pour avoir des effets positifs en cascades sur les écosystèmes. La recolonisation naturelle du loup entraîne cependant de sérieuses tensions entre les protecteurs de la nature et les éleveurs de moutons. Elle est l’objet de vifs débats, voire de controverses parfois alimentées par d’évidentes contre-vérités et dénis de réalité.

Face à ce constat, le CSPNB ne peut que rappeler la nécessité et l’urgence de prendre des mesures plus efficaces, moins coûteuses et moins incohérentes du point de vue de la préservation de la biodiversité que celles prises actuellement pour protéger les élevages domestiques.
L’inefficacité des mesures actuelles s’explique par le fait qu’elles n’ont pas de bases scientifiques. Il est par conséquent urgent d’aider le centre national d’études et de recherches appliquées sur les prédateurs et animaux déprédateurs de l’ONCFS en lui fournissant les moyens humains et financiers permettant de tester des solutions de protection des élevages qui tiennent davantage compte de l’éthologie du loup et qui ont fait leur preuve dans d’autres pays.

La population française de loup est en constante augmentation depuis les années 90 dans le massif alpin, le massif central, les Pyrénées et le Nord-Est de la France. En 2015, elle est estimée par l’ONCFS à 282 individus.

En Amérique du Nord et en Scandinavie, le retour de loup a ainsi conduit à un enrichissement avéré de la biodiversité des écosystèmes. L’impact négatif de l’absence de grands carnivores sur les forêts françaises a été abondamment documenté, avec par exemple dans les Vosges la nécessité d’enclore de jeunes plantations en forêt pour les protéger des cervidés trop abondants, ce qui a pour effet de restreindre encore plus les zones qui sont accessibles aux ongulés et donc d’accroître davantage leurs dégradations. Inversement, l’augmentation du nombre d’attaques entraîne la colère et le désespoir des éleveurs, conduisant certains à abandonner le pastoralisme. De multiples mesures de protection ont été développées dans le cadre du « Plan National Loup », mais leur bilan est mitigé. En particulier, les tirs de défense ne jouent pas le rôle attendu qui est de supprimer les loups s’attaquant aux troupeaux et d’apprendre aux autres à se méfier des humains. A tous les surcoûts matériels et humains auxquels le pastoralisme est confronté, s’ajoutent, dans les parcs nationaux et naturels régionaux, ceux qui incombent aux organismes et personnels chargés de la conservation, de la gestion et de la médiation des conflits dans ces espaces.

La solution à ce problème majeur nécessite :

  • l’acceptation sociale à la fois de la légitimité de points de vue divergents quant aux impacts positifs et négatifs du retour du loup et de la nécessité de mesures de protection des élevages,
  • la reconnaissance de la réalité des conflits générés par ce retour et des coûts et souffrances qu’il peut entraîner,
  • la nécessité de comprendre les mécanismes sous-jacents à ces conflits pour leur trouver une solution.

Il est en particulier nécessaire d’engager des recherches sur l’influence des différentes formes d’élevage sur les relations loup-bétail domestique. Ces recherches devront être méta-disciplinaires, ouvertes à l’ensemble de la communauté scientifique, associant l’éthologie de l’animal, l’agronomie, la sociologie, l’ethnologie, la philosophie de l’environnement, l’histoire et le droit afin d’appréhender les relations entre l’homme et le loup dans toute leur diversité et complexité.

Si le tir affecte une meute ne chassant que des animaux sauvages, les loups soudain isolés peuvent en effet se mettre à attaquer des animaux domestiques. Le fait que certains individus (ou meutes) concentrent leurs attaques sur les troupeaux d’animaux domestiques, alors que d’autres les ignorent, ouvre la voie à la recherche de méthodes de protection plus ciblées aboutissant à protéger réellement les troupeaux en dissuadant le loup de les attaquer. Le loup est un animal social capable d’apprentissage collectif : si l’attaque du bétail le traumatise, il l’évitera et le fera d’autant mieux que du gibier sauvage existe dans le voisinage (cf. exemple de la technique « capture-relâcher », pratiquée au Yellowstone). Sans baisser la garde en matière de protection des troupeaux, cette méthode qui prend mieux en compte la psychologie du loup devrait être utilement adaptée au contexte français et faire l’objet d’une évaluation de son efficacité en termes de diminution des attaques du bétail. La cohabitation entre une population viable de loups et une activité pastorale active et dynamique n’est évidemment possible qu’avec la présence d’une guilde variée d’ongulés sauvages suffisamment accessibles au loup pour qu’il reste cantonné sur la faune sauvage. La gestion des populations d’ongulés sauvages devra par conséquent tenir compte de cette nécessité.

Enfin, pour des raisons écologiques, techniques, sociétales et réglementaires, les cœurs des parcs nationaux doivent absolument rester à l’abri de toute forme de contrôle de toute espèce animale, fût-elle prédatrice.

Lire aussi : Le CNPN se prononce contre l’abattage de loups supplémentaires

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