Le jugement du Conseil d’État concernant l’arrêté ministériel des tirs de loups retoque une mesure forte mais laisse couler un océan d’autres mesures abusives.
Poursuivant avec opiniâtreté nos recours contre les arrêtés trop souvent abusifs de tirs létaux de loups, nous analysons le jugement récent du Conseil d’État concernant l’arrêté ministériel 2024. Ce dernier avait fait l’objet d’un recours inter-associatif : FERUS, FNE, LPO, ASPAS, H&B.
L’arrêté ministériel revêt une certaine importance car il encadre et pose les limites des arrêtés préfectoraux dérogatoires autorisant les tirs létaux de loups. Censés être l’exception dérogatoire, ces arrêtés préfectoraux montrent dans les faits une prolificité proche de celle des rongeurs, pour atteindre un nombre d’environ 3 000 actuellement, pour une population de 1 000 loups. Nous n’avons certes pas les moyens d’une multinationale pour analyser et contester tout ceux, trop nombreux, pouvant se montrer abusifs.
Il reste donc à l’arrêté ministériel d’être suffisamment strict et précis pour permettre aux arrêtés préfectoraux de rester dans les clous de la législation européenne, ce qui est loin d’être le cas.
Un point positif concernant ce jugement : il annule l’article de l’arrêté ministériel selon lequel les troupeaux bovins et équins ne seraient actuellement pas protégeables. C’est la moindre des choses, étant donné que nous avions mis en avant qu’un rapport des services des mêmes ministères (!) montrait que ces types d’élevages font l’objet de moyens de protection dans d’autres pays européens et que cette supposée non-protégeabilité devait être abandonnée.
Pour le reste, il s’agit d’un morne paysage puisque les autres points de notre recours ont tous été rejetés. Nous ne pouvons que déplorer en l’espèce un jugement, censé être sur le fond, qui reste superficiel et qui justement ne creuse pas assez le fond.
Entre autres, il reprend partiellement certains arguments à l’emporte-pièce des ministères, sans autre recul. Ministères qui ont reçu l’appui officiel de la FNSEA et de ses satellites dans leur défense lors de ce recours.
Plus particulièrement, certaines de nos argumentations concernant l’état de conservation de l’espèce et les moyens de protection étaient particulièrement étoffées et s’appuyaient notamment sur :
- Les jurisprudences de la CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne)
- Les dernières études concernant la conservation du loup
- Les dernières évolutions de l’espèce en France
- Les lacunes des arrêtés préfectoraux que nos recours ont annulés
Ces argumentations détaillées et les documents associés n’ont pas été rejetés : ils n’ont tout simplement pas été commentés, contre-argumentés, démontés. Ils ont été contournés en se basant sur la forme de l’arrêté ministériel, voire le plus souvent totalement ignorés, comme s’ils avaient été écrits à l’encre sympathique.
En somme, ce jugement s’est contenté de sauver les apparences, considérant implicitement que cet arrêté :
- Ne s’oppose pas à la restauration de l’espèce dans un état de conservation favorable dans les différentes composantes biogéographiques de son aire de répartition naturelle.
- S’assure que les moyens de protection des élevages subissant des dommages sont suffisamment complets et opérationnels avant de considérer qu’il n’existe pas d’autres solution efficace pour faire baisser les dommages que les tirs létaux.
- Respecte le caractère ponctuel des dérogations, requis par la CJUE, avec une durée de 5 ans pour ces dernières, durée certes ponctuelle à l’échelle de l’évolution des espèces.
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. En théorie.
Nous prenons donc acte de ce jugement souverain, sans pour autant nous départir de notre capacité d’analyse critique.
Sachant également qu’en dernier ressort, la CJUE sera le juge de paix sur ce dossier loup, au terme d’une démarche qui peut souvent s’avérer de long terme à l’échelle humaine et des mandats politiques, tout comme la restauration des espèces sauvages.