Grands prédateurs : la chasse française la plus bête du monde ?

Grands prédateurs : la chasse française la plus bête du monde ?

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Les porte-parole officiels de la chasse française multiplient, depuis quelque temps, les prises de positions très hostiles envers les grands prédateurs.

A la surprise générale des « anciens » du Groupe National Loup, les représentants de la fédération nationale des chasseurs, qui n’avaient jamais participé au groupe et ne s’étaient pas dérangés pour les fructueux groupes de travail de l’hiver dernier, sont venus au dernier moment déposer un document complètement à côté de la plaque.

Ils ne seraient pas « opposés radicalement au loup » (juste aux trois quarts sans doute), grand merci pour cette concession.

Ils ne veulent pas laisser la bête s’étendre au delà des Alpes, elle ne doit pas franchir le Rhône. Comment y parvenir sans employer des méthodes illégales (poison, pièges, tirs jour et nuit) que les fédérations de chasseurs sont censées combattre, mystère…

Après une petite mise en garde concernant la rage (un coup sur la santé publique paye toujours, même si la question a été débattue et tranchée depuis des années), voici les cris d’alarme sur l’impact négatif des loups sur le gibier. On croyait pourtant que les plans de chasse étaient partout en forte augmentation, et que dans certaines communes de montagne les chasseurs moins nombreux n’arrivaient même plus à les réaliser…Quant aux documents officiels rédigés par des scientifiques indépendants (cf le projet de plan loup) ils confirment que le loup, s’il modifie les comportements de ses proies, n’a pas d’impact déterminant sur leur démographie.

Le loup serait également une « menace » pour la faune sauvage, il aurait un impact négatif sur les autres espèces emblématiques (aïe, lapsus ? le loup serait emblématique ?).

Donc il faut le réguler (maître mot des chasseurs dont le nom officiel sera bientôt les régulateurs qui ne tuent plus mais qui prélèvent). Et qui fixera les contours de cette régulation de manière à conserver assez de gibier ? les schémas départementaux de gestion cynégétique, rédigés par les seuls chasseurs sans concertation avec ceux qui s’occupent de la faune et de la flore sauvage.

Au final il faut chasser le loup, enfin non, mais si quand même. D’abord il ne faut plus qu’il soit strictement protégé (une rigueur insupportable qui aboutit tout de même à l’autorisation légale de tuer 10% des effectifs minimum prouvés). Ensuite il faut que la responsabilité des opérations incombe toujours à l’Etat (tiens donc), mais que la mise en oeuvre pratique soit confiée aux chasseurs, puisque des journées de chasse au loup leur seront vendues.

Ce document peut faire hausser les épaules, mais il est dans la ligne d’autres déclarations des chasseurs.

En avril dernier, les chasseurs de montagne (c’est à dire les représentants de toutes les fédérations montagnardes) écrivent sous la plume de leur président Esclopé (prononcer le « s ») dans leur Bulletin mensuel : « nous avons rédigé un premier document sur les grands prédateurs, loup, ours, lynx, vautour fauve (sic). Toute espèce doit pouvoir être régulée quand son abondance empiète sur l’état de conservation des autres espèces du milieu naturel. L’abondance des loups, ours, lynx a surtout mobilisé le monde agricole par les dégâts… » nous ne nous « étendrons pas sur les coupes sombres (sic) dont nos espèces sauvages (gibiers) faisaient et font l’objet… Il y a quelque chose d’indécent à constater les montants alloués à la préservation des prédateurs… Nous pouvons ajouter notre sentiment de révolte quand la gestion raisonnée d’une espèce comme le mouflon est remise en cause par la prédation au mépris des grands principes de biodiversité tant avancés pour justifier les attaques anti chasse ».

Sans commentaires, ni sur la prolifération des ours, ni sur le fait que les chasseurs n’ont pas à chausser les patins des éleveurs, ni sur la décence des sommes allouées à la conservation des espèces sauvages menacées par comparaison avec celles consacrées à nourrir des centaines de milliers de sangliers de tir, ni sur le statut d’étendard de la biodiversité française conféré à l’asiatique mouflon…

Le président des chasseurs des Pyrénées Atlantiques, curieusement choisi pour aller présenter le document sur les loups, a confirmé l’écrit par l’oral : le loup « est un fauve » « vecteur de maladies » qui va s’ajouter « aux vautours qui prolifèrent et aux ours », il n’en faut surtout pas en dehors des Alpes…

Rien dans le monde de la chasse ne se fait sans l’aval de la fédération nationale et de ses lobbyistes. Elle est en train de faire monter la sauce contre les sales bêtes qui plaisent aux écolos, elle est à peu près sûre de tenir un sujet qui chauffe les salles, et tant pis si ce faisant elle tourne le dos à une voie royale qu’elle aurait pu emprunter. Des chasseurs français ont autrefois été à l’initiative des premières mesures de protection de l’ours et de remboursements des dégâts, de fameux chasseurs français ont déploré dans l’entre-deux guerre la disparition du loup, et dans les autres pays de grands esprits du monde de la chasse s’inquiètent du sort des lions, des tigres, des ours, des panthères des neiges et contribuent à leur sauvetage.

Des chasseurs qui auraient commencé par proclamer leur admiration pour les super-prédateurs comme pour toutes les représentations du sauvage authentique dans un monde qui lui laisse si peu de place auraient été légitimes pour débattre des interrelations entre le loup et ses proies, car le débat existe, il est vif en Europe de l’Est et n’est pas stérile. Aujourd’hui, les chasseurs français n’ont pas cette légitimité.

Position des chasseurs français sur le loup (mai 2008)