L’ours brun en Espagne

L’ours brun en Espagne

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Par Gérard Caussimont

L’Espagne compte 2 populations d’ours bruns : celle des Pyrénées, qu’elle partage avec la France et celle des Monts Cantabriques, le massif qui prolonge les Pyrénées vers l’ouest. Ces deux populations sont séparées depuis au moins le 18ème siècle*.

Pyrénées
Dans les Pyrénées espagnoles, il y a 2 noyaux de présence de l’ours brun.
Le premier, à l’ouest, commun avec le Béarn et la Bigorre, à la limite de l’Aragon et de la Navarre, où subsistent 4 mâles dont Camille qui vit en général plutôt en Espagne. Le second noyau, dans les Pyrénées centrales, en Catalogne et à la limite est de l’Aragon, commun avec l’est des Hautes-Pyrénées, la Haute-Garonne et l’Ariège, avec 14 individus dont plusieurs, notamment la femelle Ziva, sont très souvent plutôt sur le versant espagnol .
L’avenir de ces animaux est donc étroitement lié aux lâchers sur le versant français.
S’il n’y avait pas eu de réintroduction en Haute-Garonne en 1996 et 1997, il n’y aurait aucun ours dans les Pyrénées centrales espagnoles et un seul dans la partie des Pyrénées occidentales de ce pays.
Le Ministère de l’environnement espagnol voit d’un bon œil le plan de renforcement français et les régions autonomes des Pyrénées espagnoles sont plus ou moins timides mais prêtes à suivre la France qui prendrait la responsabilité des lâchers en 2006.

Monts Cantabriques
Une situation contrastée
Il existe deux noyaux de population qui ne communiquent pratiquement pas entre eux** : le noyau oriental (régions de Cantabria, Palencia, et l’est des Asturies et de Léon), avec 25 individus et le noyau occidental (ouest de Léon, Asturies et Galice) avec une centaine d’individus.
De récentes études génétiques ont permis de constater que la population du noyau occidental était en augmentation. Elle se reproduit normalement (11 femelles reproductrices en 2004) malgré un déséquilibre des sexes en faveur des mâles et une variabilité génétique assez faible.
Le noyau oriental est dans une situation préoccupante du fait de son effectif, du faible nombre de femelles reproductrices (1 en 2004, 3 en 2005 avec 6 oursons), de la consanguinité, des atteintes à son habitat, du braconnage.

Un noyau occidental viable
La population occidentale est devenue viable mais sa restauration qui date de la dernière décennie reste fragile et il faut rester très vigilants face aux menaces qui pèsent sur l’ours et son habitat depuis longtemps dans les Monts Cantabriques.
Le noyau occidental est en train de s’étoffer : l’aire de répartition augmente, les femelles se reproduisent de façon plus uniforme sur cette aire, des indices de présence d’ours sont même trouvés dans la partie basse des vallées, aux portes d’Oviedo, la capitale régionale des Asturies. N’oublions pas qu’il y a eu dans cette région une politique de conservation de l’ours qui comprend des restrictions de circulation des véhicules non professionnels sur un certain nombre de pistes, des zones sensibles où la pénétration est réservée aux éleveurs, des zones sans battues dans des secteurs d’élevage de jeunes, etc. Depuis la mise en place des ces zones de quiétude, les femelles se sont mieux reproduites. L’habitat est relativement intact, avec peu d’accès routiers dans les massifs forestiers ou les pâturages d’altitude.
Ce qui est le plus important, c’est que la région des Asturies considère aujourd’hui (cela n’a pas toujours été le cas) l’ours brun comme un élément indispensable de son Patrimoine naturel et culturel et ne veut en aucun cas risquer de le perdre d’où son implication dans la politique de conservation de l’espèce et son utilisation comme image de marque pour le développement économique local (tourisme vert, élevage, artisanat…).
A l’avenir, l’une des plus grandes difficultés sera de maintenir des mesures garantissant la tranquillité de l’espèce, avec des limitations de pénétration humaine, dans des zones d’alimentation automnale ou d’élevage des jeunes face au développement des visiteurs et à la demande des chasseurs.

Un noyau oriental en danger Cet automne, une triste actualité vient accentuer la fragilité d’une population qui n’est pas sans rappeler celle des Pyrénées à l’heure actuelle.
Un ours a été abattu par des chasseurs dans la province de Palencia. Il fut découvert le 25 septembre par des randonneurs. Il s’agit d’un gros mâle de 200kg qui était mort depuis 2 jours. L’ autopsie pratiquée à l’Université de Léon a révélé qu’il avait reçu des coups de feu, à courte distance, avec des chevrotines, pourtant interdites en Espagne, mais utilisées pour des battues au sanglier. Une enquête est en cours.
Le 3 septembre, un autre cadavre d’ours, mort depuis des mois avait été découvert dans les montagnes de cette province, tué par du poison.
Les atteintes à l’habitat, par la construction de réseaux de pistes utilisées pour la chasse, l’exploitation de mines à ciel ouvert, la construction de stations de sport d’hiver, constituent également des menaces graves sur ce noyau oriental.

Carte Fundación Oso Pardo

Une histoire récente tragique pour l’espèce
N’oublions pas que jusqu’au milieu de la décennie de 1980, les braconniers étaient nombreux et faisaient même le trafic de trophées d’ours.
Grâce au travail d’associations comme le FAPAS ou la Fundación oso pardo, de la gendarmerie (SEPRONA) et des administrations régionales d’une part, et au durcissement de la législation d’autre part (le tueur d’un ours risque jusqu’à 4 ans d’emprisonnement et une très forte amende), le braconnage a beaucoup diminué.
Le braconnage au cours de parties de chasse ou de battues, le poison utilisé contre les loups (5 ours sont morts ainsi depuis 7 ans), les collets mis en place pour se débarrasser des sangliers (cause de la mort de 75% des ours braconnés), la construction d’accès routiers dans certaines zones sensibles, notamment pour l’exploitation de mines, ont été et sont parfois encore des menaces pour la conservation de l’ours dans ce massif.

Un espoir prudent Bien que le noyau occidental se porte bien et que la restauration de sa population se confirme, on peut considérer que le retour du poison à grande échelle ou du braconnage, pourrait encore porter atteinte à ce nouveau départ d’une population juste viable. Les mesures des administrations des cantabriques doivent s’orienter maintenant vers des actions permettant de favoriser un retour à la communication des deux noyaux qui pourrait permettre de sauver le noyau oriental par l’apport de sang nouveau. C’est un travail ambitieux de reconquête d’habitats et de restauration de corridors de passage entre les deux secteurs.
Cela explique sans doute que les autorités des Asturies ne souhaitent pas que pour le moment on prélève des femelles pour les emmener dans les Pyrénées.

G.Caussimont
Naturaliste, président du FIEP Groupe Ours Pyrénées
BP 508 – 6401 Pau cedex
Email : fiep@club-internet.fr
www.fiep-ours.com

Gérard Caussimont a lancé dans les Pyrénées espagnoles le suivi des ours bruns, auquel il participe, et des mesures de conservation des habitats, d’indemnisation des éleveurs et de sensibilisation du public.

Gérard Caussimont est l’auteur de Plaidoyer pour Cannelle (octobre 2005, 125 p, 16 €). En vente à la boutique de FERUS.

* Au moins 250 km (à vol d’oiseau) séparent les ours de la Cordillère Cantabrique des ours pyrénéens
** L’autoroute Oviedo – Leon sépare ces 2 noyaux de populations. Toutefois, une section en tunnel est utilisable par les ours pour franchir l’infrastructure.

Cet article est paru dans la gazette des Grands Prédateurs n° 18, hiver 2005/2006.