Le berger et le loup : histoire d’une utopie pastorale

Le berger et le loup : histoire d’une utopie pastorale

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benjamin menoni
Benjamin sur son estive © Gus Lyon
Article de Sidonie Hadoux, publié le 13 novembre 2013 sur le site l’Avant-Post (média école conçu et édité par les étudiants du master journalisme de Sciences Po Grenoble).

Note de FERUS : Les propos de l’auteur n’engagent que lui. Certaines données nous semblent contestables, notamment celle concernant le taux de croissance de la population de loup.

Benjamin Menoni, 25 ans, originaire de Combloux en Haute-Savoie, est fasciné par le loup depuis l’enfance. « Pro loup et anti chasse » voilà comment il se qualifiait il y a quelques mois encore. Benjamin a décidé en mars dernier d’entreprendre une formation d’aide berger afin de « comprendre la problématique au cœur ». Rencontre avec un berger amoureux du loup.

Dimanche d’automne, plaine de Caille, petit village des Alpes Maritimes à une trentaine de kilomètres de Grasse, Benjamin garde un troupeau d’environ 250 brebis et leurs agneaux. Il remplace pour un mois le berger qui vit ici à l’année. Quatre chiens, trois borders collies et un patou, l’aident dans sa tâche. Il est 14 heures passées et les brebis pâturent depuis le milieu de matinée. Elles vont brouter ainsi toute l’après-midi jusqu’au crépuscule, l’heure pour le berger de les parquer dans leur enclos pour la nuit. Elles rumineront et dormiront jusqu’au petit matin. A 6h30 le lendemain, le berger vérifiera ses bêtes avant de commencer une nouvelle journée de garde, ponctuée parfois par la visite de son éleveur ou de quelques passants curieux. C’est ainsi depuis trois semaines, entre journées au grand air et nuits dans une caravane posée à la lisière du bois non loin du troupeau, où les températures avoisinent souvent les zéro degrés. « Avant d’être confronté à la réalité de ce métier, je pensais que c’était facile », avoue Benjamin. « Or, il faut le vivre pour comprendre, notamment quand il pleut, neige et quand il faut prodiguer les soins sur les brebis ou aider à l’agnelage. Mais c’est aussi un métier addictif. J’ai toujours été un amoureux de la nature. Au fil des mois, j’ai compris comment mener un troupeau, travailler avec les chiens de conduite. J’ai compris aussi le rôle écologique de ce métier : éviter l’enfrichement des sols. Cela permet deux choses : développer la biodiversité et éviter les phénomène avalancheux en zone de montagne ».

L’infiltré

Bien que passionné par ce métier, Benjamin n’oublie pas pourquoi il a choisi de vivre cette expérience après un brevet de technicien agricole en gestion de la faune sauvage (Maison familiale et rurale de Mondy) et plusieurs stages de recherches sur le loup effectués à l’Office nationale de la chasse et de la faune sauvage de Grenoble. « Je cherchais le contact avec des éleveurs et des bergers afin de répondre à ma question : pourquoi le loup est un problème pour les bergers ? Pourquoi les loups s’attaquent aux troupeaux ? Avant je pensais que c’était aux bergers de mieux garder leur troupeaux. Il n’était pas question de toucher au loup. Or aujourd’hui j’ai évolué, je comprends le désarroi des bergers et des éleveurs quand le loup attaque et ruine en un seul coup de crocs tout leur travail sur la bête.» Cet été, Benjamin a passé trois mois dans la vallée de la Haute-Tinée, à Saint-Etienne-de-Tinée (Alpes-Maritimes) en compagnie d’un troupeau de 170 brebis. Il n’a subi aucune attaque de loups, alors qu’il se situait à la limite de la zone d’une meute. En revanche, deux apprentis bergers qui suivent la même formation que lui ont été attaqués régulièrement tout l’été, alors qu’ils se trouvaient non loin de lui. « Il faut être fort mentalement pour passer trois mois tout seul avec son troupeau. Nous étions à une heure de marche du premier village. Les nuits sont courtes et la pression est d’autant plus forte quand le loup attaque de jour comme de nuit ». L’Etat indemnise les éleveurs quand il est prouvé que c’est un loup qui a tué les bêtes, « mais cela ne remplace pas tout le travail que l’on fournit.» L’Etat indemnise à condition qu’au moins une des trois conditions suivantes soit respectée : présence d’un ou plusieurs patous (chien de protection), parc électrifié, ou la présence d’un aide berger en plus du berger. « Mais le loup déjoue les tactiques », explique-t-il. Les attaques sont de plus en plus nombreuses, dans la mesure où le nombre de loup augmente. En 2013 en France, le taux de croissance de la population du loup est de 19%. Le loup est donc une espèce viable, elle n’est d’ailleurs plus sur la liste rouge des espèces menacées. Cela augmente les pressions. En discutant avec les éleveurs, Benjamin s’est rendu compte qu’il fallait « faire quelque chose et vite », le ras-le-bol général est latent. La phobie du loup est parfois si forte chez certains éleveurs que Benjamin a préféré se taire concernant son parcours et les motivations réelles de la démarche qui l’a amené à devenir berger.

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