Plaidoyer pour l’ours des Pyrénées

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Courrier de Ferus adressé le 30 septembre 2008 à Nathalie kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat à l’Ecologie, avec copies à la Direction de l’Eau et de la Biodiversité (ex DNP), au préfet de région à Toulouse, au préfet de l’Ariège, à la DIREN Midi-Pyrénées à Toulouse.

Madame la Ministre,

L’ours Balou a été victime du tir d’un chasseur imprudent le 7 septembre dernier sur la commune de Prades en Ariège. L’association FERUS saisit cette malheureuse occasion pour réclamer à nouveau les mesures nécessaires à la survie puis au rétablissement de la population d’ours dans les Pyrénées.

Des ours ont été tués ou blessés soit accidentellement, soit volontairement depuis les premiers renforcements en 1996. Nous ferons tout, par le dialogue, la pédagogie et l’action en justice pour réduire ces pertes. Nous vous demandons solennellement d’en faire de même. Nous savons que statistiquement les populations d’animaux nouvellement réintroduits subissent toujours des pertes, que viennent compenser des naissances. Pour mémoire sur les 21 lynx que la France a réintroduits dans le Vosges, seuls dix ont survécu et ont participé à la reproduction. A plus grande échelle, 45 lynx sur 96 sont morts dans le Colorado lors d’une opération qui s’est au final soldée par un succès.

Que trois des huit ours venus de Slovénie aient péri, auxquels s’ajoute désormais Balou blessé, n’autorise évidemment personne à en tirer des conclusions sur la capacité d’accueil du milieu naturel et humain. Les naissances d’oursons dans les Pyrénées prouvent que l’espèce s’y sent bien. Les Italiens connaissent dans le Trentin une situation à peu près identique.

Cela ne rend pas moins responsables ceux qui, volontairement ou par une négligence coupable, détruisent des ours alors que la survie de l’espèce dans notre pays est encore suspendue à la présence de quelques individus reproducteurs.

Dans le cas de Balou, le chasseur dit l’avoir confondu avec un sanglier et avoir tiré d’instinct. Nous nous en tiendrons pour le moment à ses déclarations, et au communiqué officiel de la préfecture, même si le fait d’avoir organisé une battue dans une zone où l’ours avait été signalé laisse douter de la bonne volonté collective de cette équipe de chasseurs.

Tirer « d’instinct » sur une masse non identifiée est en soi répréhensible, et nous n’imaginons pas que les pouvoirs publics et le Parquet puissent laisser passer cet acte comme si de rien n’était. Le tireur doit au minimum être sanctionné par une contravention de la cinquième classe sur le fondement de l’art R 428-5 du code de l’Environnement qui punit le fait de chasser une espèce de gibier dont la chasse n’est pas autorisée. Des centaines de chasseurs sont chaque année condamnés pour des faits infiniment moins graves, comme se tromper d’espèce de perdrix ou confondre un hère avec une biche. Les fédérations de chasseurs sont les premières à se montrer rigoureuses avec les notions de sécurité et d’attention de la part de porteurs d’armes mortelles. A l’examen du permis de chasser, un tir « d’instinct » sur un animal non identifié (qui peut se révéler être un homme) est éliminatoire. Nous demandons, sans haine, une condamnation qui servira également de rappel à la raison car nous avons été choqués de voir des habitantes et de habitants de Prades, interrogés par la télévision, excuser le tireur en disant « il n’a pas voulu tuer un ours, il n’avait pas bien vu ».

Nous porterons toutefois également plainte pour destruction d’espèce protégée car l’ours Balou a été atteint. Le recueil Dalloz des textes de droit nous enseigne que la jurisprudence n’est pas fermement arrêtée en la matière, nous espérons qu’elle progressera dans le bon sens.

Mais réprimer les actes de chasseurs imprudents ou criminels n’est pas la seule ni la meilleure manière de régler la question de la chasse, nous vous l’avons déjà dit dans le document que nous vous avons remis en mai. L’absence de zones pérennes de tranquillité reste un gros handicap, un obstacle à l’élevage de jeunes dans les Pyrénées françaises. Ce n’est pas un hasard si la majorité des naissances constatées ont lieu dans des réserves de chasse du côté espagnol de la chaîne. Nous vous demandons à nouveau de faire en sorte que les zones de tranquillité pour les ours et le reste de la faune sauvage soient augmentées : en confortant bien sûr les réserves naturelles et de chasse existantes ; en en créant de nouvelles ; en incitant les ACCA à consacrer une bonne part des 10% mis hors chasse à protéger l’habitat des ours ; en créant des interdictions temporaires de chasse en battue avec chiens courants dans les zones d’élevage des jeunes.

A ce propos nous ne comprenons pas les protestations de dirigeants de la chasse qui, comme dans les Pyrénées Atlantiques, osent dire que ces restrictions ne sont pas fonctionnelles alors qu’il est prouvé que les ourses s’y réfugient avec leurs petits et qu’eux mêmes se sont montrés solidaires de celui d’entre eux qui a abattu la dernière femelle suitée.

Nous ne souhaitons pas qu’on monte on ne sait trop quel système de zones mises à l’abri autour des ours repérés, de réserves glissantes qui aurait bien plus d’inconvénients que d’avantages dans le cas d’une population excédant une poignée d’animaux. Toutefois, s’agissant de Balou, blessé, nous demandons que les battues soient interdites dans les bois où il est remisé jusqu’à sa guérison. Si par malheur sa capture devait se terminer non par son rétablissement mais par sa mort, car le risque n’est pas nul, nous ne doutons pas que le gouvernement assurerait aussitôt son remplacement, comme il doit remplacer Cannelle, Palouma et Franska.

Pour conclure, nous vous renouvelons notre demande, partagée par toutes les associations de défense de la nature, de voir recommencer le plus vite possible les opérations de renforcement de la population d’ours dans les Pyrénées. Ce sera le meilleur moyen de diminuer l’impact d’actes malheureux comme la blessure de Balou.

Nous vous prions de croire, Madame la Ministre, à l’expression de notre respectueuse considération.