Contradiction des politiques loup, comme toujours : tandis que la chasse au loup a démarré dans les Rocheuses du Nord, on se prépare à la réintroduction dans le Colorado…
ROCHEUSES DU NORD
Le Montana vient de présenter son nouveau plan loup (qui n’avait pas été révisé depuis vingt ans…). Sans surprise dans cet État dont le gouverneur s’illustra en piégeant et tuant un loup du parc de Yellowstone, l’objectif de « gestion » du plan est de maintenir une population « minimum » de 450 loups. La population actuelle étant estimée entre 1 087 à 1 260 loups, cela autorise potentiellement l’élimination de 637 à 810 loups soit près de 64% de la population. De plus, le nouveau plan désigne piégeage et chasse comme moyens de gestion prioritaires. La prédation ovine et bovine a énormément baissé au Montana (de 233 victimes en 2009 à moins de 100 victimes par an pour les années 2014 à 2022) probablement grâce à l’utilisation de moyens de protection non létaux. Les pertes attribuées au loup représentent une fraction infinitésimale de la mortalité du bétail (moins de 0,04% du cheptel), et cependant le plan justifie les tirs et le piégeage de loups par la nécessité de lutter contre les prédations…
Rappelons que depuis 2011, les loups ne sont plus protégés dans les Rocheuses du Nord. Dans le Wyoming, ils sont chassables toute l’année dans 85 % de l’état sans quota et sans permis. Dans l’Idaho ils sont chassables toute l’année par tous les moyens (piégeage au collet, élimination de louveteaux en tanière, tir d’hélicoptère, etc.) Il y existe également un programme de « primes » qui paie chasseurs et piégeurs jusqu’à $2 500 par loup ou louveteau. Encore plus alarmant, le Comité de Contrôle des Prédations Loup de l’Idaho a récemment autorisé le paiement de plus de $140 000 à des contractants indépendants pour tuer des loups par tir aérien.
Au vu de cette situation, une coalition de vétérans de l’équipe de réintroduction du loup (dont Carter Niemeyer, Doug Smith, Suzanne Asha Stone, ainsi que des membres de la tribu des Nez Perce) a adressé le 18 octobre dernier un courrier à Deb Haaland (Secrétaire d’État à l’Intérieur) l’exhortant à restaurer la protection fédérale aux loups dans les Rocheuses du Nord. La coalition estime que la gestion actuelle du loup dans cette région constitue une violation de la loi sur les espèces en danger (Endangered Species Act). En effet la loi stipule qu’une espèce doit être protégée en cas de surutilisation à des fins commerciales, récréatives ou scientifiques, en cas d’insuffisance des mécanismes régulatoires existants, et si la présence de facteurs humains menace sa survie.
Au 15 novembre 2023, 64 loups ont été tués (« récoltés » selon le langage officiel) dans le Montana depuis l’ouverture de la chasse, sur un quota autorisé de 313 individus. On peut s’attendre à ce que ces chiffres augmentent vite dès le démarrage de la saison du piégeage le 27 novembre.
COLORADO
La réintroduction du loup dans le Colorado a été approuvée par les électeurs en 2020. Un plan de réintroduction doit être en place avant fin décembre 2023 et les premiers loups relâchés début 2024, à raison de 10 à 15 loups par an pendant cinq ans. A cette fin, les États du Montana, de l’Idaho et du Wyoming ont été sollicités pour capturer et fournir des loups au Colorado. A eux trois ces États regroupent une population de loups estimée à plus de 2 700 individus. Cependant ils ont tous trois refusé, prétextant « craindre qu’une population en croissance ne migre dans leurs états » … Apparemment ils préfèrent de beaucoup tuer des loups plutôt que d’en transférer un petit nombre à un État voisin. C’est donc l’Oregon, avec sa faible population lupine (environ 178 individus en 2022) qui fournira les dix premiers éléments requis pour la réintroduction.
GRANDS LACS
Dans le Wisconsin, le Département des Ressources Naturelles a approuvé un nouveau plan de gestion du loup -seize ans après sa dernière mise à jour. Voyant sa population se stabiliser (le chiffre le plus récent est d’environ 972 loups), l’agence a finalement réajusté son objectif, l’augmentant à 800-1200 individus au lieu de 350.
LOUPS MEXICAINS
D’après les chiffres les plus récents, la population de loups gris mexicains aux États Unis a augmenté de 23% entre 2021 et 2022. Cela correspond à 242 individus (105 en Arizona et 137 au Nouveau Mexique).
On se souviendra d’Asha, la petite louve qui avait défrayé la chronique début 2023 en s’aventurant au-delà de l’aire de restauration autorisée au Nouveau-Mexique. Elle avait été capturée et gardée en captivité au Mexique pendant plusieurs mois puis finalement relâchée en Arizona en juin dernier. Fidèle à sa nature sauvage et aventureuse, Asha est à nouveau repartie vers le nord du Nouveau-Mexique, au-delà de l’autoroute I-40 dans les montagnes Jemez. Le département de la Faune Sauvage du Nouveau Mexique a communiqué l’information pour éviter qu’Asha ne soit confondue avec un coyote (et potentiellement tuée) – mais les associations de protection du loup craignent aussi que les autorités ne la re-capturent. En effet, c’est la démarche généralement adoptée lorsqu’un loup gris mexicain sort de l’aire de restauration. Pourtant d’après les scientifiques pour que l’espèce puisse vraiment prospérer il faudrait trois sous-populations interconnectées d’au moins 200 loups chacune, l’une dans la région de Gila, l’autre dans les Rocheuses du Sud, et la dernière autour du Grand Canyon. L’actuelle « aire de population expérimentale » enferme les « lobos » dans une portion minuscule de leur habitat historique. Les associations demandent donc qu’Asha soit autorisée à disperser où bon lui semble et laissée tranquille. Souhaitons qu’elles soient entendues.
CALIFORNIE
Après l’installation de trois meutes en Californie du Nord, c’est maintenant la région de Sequoia National Park qui s’enorgueillit d’une meute. Une femelle et quatre jeunes (deux mâles, deux femelles) ont en effet été identifiés dans le comté de Tulare, c’est-à-dire la région de Sequoia National Park et Sequoia National Forest. Ces animaux sont des descendants du fameux OR-7, le premier loup réapparu en Californie il y a douze ans après une absence de près de 100 ans.
Catherine Frizat pour FERUS
