Pastoraloup dans les Monges

Pastoraloup dans les Monges

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Eté 2002. Je me retrouve propulsée dans un autre monde. Un monde si différent. Pourtant, ce monde n’est situé qu’à 2 heures de voiture de mon univers… J’habite la Valette du Var, près de Toulon, et au nom des loups, je vais passer trois semaines dans le pays…des moutons !

Je suis 7130. Je suis née en 1997. Je suis une pré-Alpes. Une brebis pré-Alpes. Ma robe est blanche comme celles de mes 900 autres compagnes, quoique certaines soient rousses, d’autres, plus rares, noires. Le soleil n’est pas encore levé. Nous attendons toutes, avec impatience, que les portes du parc s’ouvrent. A côté, dans le pré qui vient d’être fauché, un renard mulote. Un peu plus loin, il y a une corneille. Et un crave aussi. Un couple de faucons crécerelle se relaie pour chasser, en volant sur place.

Nous attendons toujours. La voiture arrive enfin, les chiens aboient. Ça y est : ils sont là. Il y a Gilbert, l’éleveur et berger, Véronique, l’aide berger et Sandrine, l’éco-volontaire. Ils entrent dans le parc. Nous nous écartons, groupées, un peu paniquées. Gilbert saisit une des nôtres. Celle-ci à un abcès à la cuisse. La plaie désinfectée, elle nous rejoint aussitôt. Une autre brebis est attrapée : elle boite ; elle a ce qu’on appelle un gros sabot. Gilbert sort un petit couteau et lui taille le sabot. Puis il l’emmène à l’ « infirmerie », une petite grange toute proche. Elle restera là le temps de pouvoir à nouveau nous suivre dans les alpages. Gilbert nous jette un dernier coup d’œil. Véronique et Sandrine aussi, à l’arrière, surveillent nos déplacements. Nous sommes désormais toutes prêtes à partir.

Gilbert ouvre les portes, flanqué de son chien Fat. Véronique a quant à elle Thora à ses côtés. Elle prend les devants et commence à s’éloigner. Nous la suivons. Sandrine vérifie que nous sommes toutes bien parties : la journée vient de débuter.

Une centaine de mètres après, nous nous arrêtons devant de grosses pierres sur lesquelles est posé un délicieux gros sel, indispensable à notre nutrition. Puis nous repartons, traversons un petit cours d’eau et commençons la montée de notre montagne. Le soleil se lève doucement, presque en s’étirant, et irradie tout à coup. Il est 10 heures et il fait chaud, trop chaud, pour manger. Alors, nous avançons vers la chaume, là, sous les arbres. Je me couche, comme d’autres ; certaines restent debout, immobiles, la tête entre les pattes d’une compagne. C’est une longue sieste qui commence. Une sieste digestive. Gilbert est parti, en bas, dans le vallon. Il est allé s’occuper des nombreux autres travaux de sa profession. Véronique et Sandrine sont restées. Elles sont plus loin, elles aussi sous les arbres. Elles veillent sur notre sécurité.

Vers 17h, les quelques chèvres de notre troupeau se sont réveillées, toujours un peu avant nous, et sortent du couvert des arbres. Lentement, nous aussi terminons notre sieste et quittons notre couchade. Nous sommes maintenant reparties à travers les alpages, l’herbe entre les dents. Puis le soleil nous quitte, comme chaque jour. Le jour baisse, encore. Il est temps de retrouver notre parc de nuit. Véronique lance le signal de la descente. C’est d’abord en rang serré que nous amorçons notre retour. Mais c’est bientôt une véritable frénésie qui s’empare de nous et nous dévalons dans une vitesse folle et dans un nuage de poussière les derniers mètres jusqu’au ruisseau. Nous nous arrêtons à nouveau devant les pierres salées. Gilbert est là ; il nous attend. Il nous guide ensuite vers le parc de nuit. Il ouvre les portes et nous entrons. Puis, il referme les portes et s’en va. Sandrine seule est restée. Elle dort dans le pré fauché, dans une tente, juste à côté. La nuit est définitivement tombée. Je rêve d’herbe verte, de campanules et de feuilles de chênes. A travers tes taillis, au bout du pré, deux yeux ronds et jaunes scintillent avant de disparaître. Ils ont senti l’odeur humaine. Un renard probablement, un loup peut-être…

LE RETOUR DU LOUP

Il y a près de 60 ans, le loup disparaissait du territoire français, victime des acharnements de l’homme à vouloir l’éliminer. Traqué depuis des siècles, la mort du loup est précipitée par l’utilisation massive des armes à feu et du poison dès le XIX ème siècle, une disparition conjuguée à la déforestation et la disparition des proies sauvages. Mais en Italie, le loup n’a pas disparu ; il a survécu. Ses populations, réduites à une centaine d’individus au début des années 1970, bénéficient, dès 1976, d’une protection totale. Alors, depuis les Abruzzes, le loup commence son irrésistible ascension vers le nord. Après avoir été recensé dans les Apennins Toscans en 1985, puis en Ligurie, il est aperçu dans la province de Cunéo en 1991, une province toute proche de la frontière franco-italienne. Il n’y a alors plus qu’un pas vers la France, un pas que le loup va franchir. Ainsi, en novembre 1992, lors d’un comptage d’ongulés, les agents du parc national du Mercantour, dans les Alpes-Maritimes, observent deux canidés sur une crête. La présence du loup est ensuite confirmée et, en avril 1993, la France entière apprend le retour de l’emblème du monde sauvage.

Un retour naturel donc, quoique contesté par les anti-loups qui ont vu, et voient encore, une manœuvre des écologistes à vouloir réintroduire l’animal en toute illégalité. Et certains opposants au loup, bien conscients de ce retour naturel, trouvent alors ici un moyen de contrer les accords européens quant à la protection du loup afin de demander l’élimination pure et simple de l’espèce des Alpes françaises. Mais si des lâchers illicites ont pu se produire, le loup est bien revenu naturellement. En effet, le loup n’a cure des frontières tracées par l’homme et il est dans sa nature de franchir les kilomètres en de courts espaces de temps. Ainsi, un loup italien a parcouru 85 kilomètres en ligne droite en une seule semaine.

Si le loup est revenu dans les Alpes françaises, ce n’est pas sans raison. Il a pu retrouver un habitat favorable, dont le fort exode rural suivi du retour des forêts et des proies sauvages, a permis la réhabilitation. Le loup devient alors le synonyme d’une nouvelle jeunesse des habitats naturels français.

Le loup infatigable poursuit ensuite sa course géographique, autant vers la Suisse que vers les autres départements alpins. En 2002, 8 départements sont ainsi concernés par le retour du loup : les Alpes-Maritimes, les Alpes de Haute Provence, les Hautes Alpes, la Drôme, l’Isère, la Savoie, la Haute Savoie et enfin le Var. Actuellement, les effectifs minimum de loups comptent moins de 30 animaux dans toutes les Alpes françaises, soit une tendance à la diminution depuis le suivi hivernal de 1999 / 2000. Dans tout l’arc alpin, soit en France, en Italie et en Suisse, on estime les populations de loup à une cinquantaine d’individus.

Le loup dans les Monges.En 1994, le Réseau Loup, chargé de suivre la progression de la répartition géographique du loup, est appliqué aux Alpes de Haute Provence. Après avoir accueilli des loups probablement erratiques ou en cours de dispersion, le massif des Monges voit ensuite l’espèce installée de façon permanente depuis 1999. A l’instar de la totalité des populations françaises, les effectifs des loups des Monges ne semblent pas augmenter depuis et ont même une tendance à la diminution. En effet, lors du suivi hivernal 1999 / 2000, les pistes de deux loups étaient recensées tandis que le suivi 2000 / 2001 ne comptait plus qu’un animal. Néanmoins, comme aucun cadavre n’a été découvert, les traces d’un second animal ont pu échapper au comptage en raison de courtes périodes d’enneigement. Dans les Monges, les premiers constats d’attaques de loup sur le bétail sont établis en 1996. En 2001, 31 constats ont été établis : 22 attaques furent indemnisées, regroupant 85 victimes, soit moins qu’en 2000 (107 victimes dont 39 par dérochement) et en 1999 (142 victimes). Cette baisse est peut être en relation avec la diminution du nombre de loups dans le massif ou tout simplement, et on l’espère, avec l’efficacité des moyens de prévention mis en place.

PASTORALISME…

Dans les zones défavorisées alpines, l’activité pastorale extensive est bien souvent la dernière activité de ces régions délaissées par un fort exode rural. Ce sont donc près de 860 000 moutons qui parcourent la totalité des Alpes, dont 67 % dans les Alpes du sud. La grande majorité des troupeaux ovins sont destinés à la boucherie. Les quelques troupeaux de brebis laitières restent peu concernés par le problème loup étant donné qu’ils comportent largement moins d’animaux et que les bêtes sont traits tous les matins et tous les soirs, nécessitant un parcage de nuit et une présence humaine plus importante. Lors de la période d’estive, de juin à octobre en général, les troupeaux sont regroupés dans la plupart des cas et sont ensuite gardés par un berger salarié ou par les éleveurs qui se relaient tout en sachant qu’un troupeau doit compter un minimum de 1000 têtes afin d’être rentable. L’estive s’effectue par quartier pour une meilleure gestion de l’herbe.

Gilbert D. a une quarantaine d’années. Issu d’un milieu rural, la possibilité de devenir éleveur s’impose très vite dans son esprit et, à 20 ans, il effectue sa première transhumance. Il se met ensuite à son compte vers 25 ans, avec 200 brebis. Mais, six ans plus tard, il doit s’associer avec un autre éleveur, Mr Garcin, afin de rentabiliser son activité. Gilbert s’occupe du gardiennage du troupeau tandis que son associé fournit le foin et le grain, indispensables pendant l’hiver, et les béliers. Gilbert est donc actuellement éleveur et berger d’un troupeau d’environ 1000 brebis à ST Geniez, près de Sisteron, dans les Alpes de Haute Provence. De mi-juin à mi-octobre, Gilbert conduit son troupeau à Theous, ferme située tout près de l’alpage, à environ 1100 mètres d’altitude.

C’est donc chez Gilbert D. que j’ai passé deux semaines d’estive afin de lui apporter une aide matérielle dans la surveillance permanente de son troupeau, dans le cadre du programme d’écovolontariat Pastoraloup. La semaine de stage Pastoraloup, du lundi 24 juin au 30 juin 2002, se déroulait également au sein de son activité. Cette semaine de stage, à laquelle participait la première vague d’écovolontaires, avait pour but de nous informer des notions essentielles à la bonne réalisation de notre première expérience au contact d’un éleveur et de son troupeau. Après avoir consacré une pleine journée au retour, à la répartition et aux mœurs du loup, nous sommes entrés dans le vif du sujet : isolation d’une bergerie à l’aide d’huile de vidange, débroussaillage, nettoyage d’une seconde bergerie et enfin connaissance des brebis et des premiers principes du gardiennage. Le stage terminé, je suis restée chez Gilbert les deux semaines suivantes, soit du 30 juin au 14 juillet 2002. Au bout d’une semaine, le troupeau, d’environ 820 brebis, a vu ses effectifs grossir de 102 autres compagnes, dont les agneaux avaient été vendus. La grande majorité du troupeau est composé de brebis de race Préalpes, de quelques Rouges de Péone et de brebis croisées (Sufolk, île de France, Mérinos et karakul). 200 de ces brebis appartiennent à Gilbert, les autres étant à son associé Garcin. Un cadet, mâle castré à l’âge de trois mois, chargé de conduire le troupeau, et une dizaine de chèvres font également partie du troupeau. Deux chiens de conduite, des bergers de Crau, mènent le troupeau. Toutefois, l’un deux étant assez âgé, c’est en général Thora qui a la charge de rassembler les brebis et de les diriger.

Pendant tout le mois de juillet, les brebis sont conduites sur Trainon, dont la crête se situe à 1600 mètres d’altitude. Elles sortent de leur parc de nuit vers 6 heures et sont ensuite conduites sur l’alpage où elles se nourriront de plantes et fleurs diverses. Vers 10 heures, c’est la chôme, une sieste pendant laquelle les brebis digèrent. Il y a 4 chômes sur Trainon, naturelles ou artificielles. Vers 17 ou 18 heures, les brebis repartent et amorcent leur descente pour rejoindre le parc de nuit à 22 heures. Au mois d’août, et jusqu’à mi-septembre, les brebis seront conduites sur l’alpage en face de Trainon (2 chômes). Puis, jusqu’à la fin de l’estive, elles retourneront sur Trainon. Pendant la mauvaise saison, les brebis seront sorties de 9 heures à 17 heures (nuit tombante) sauf en cas de neige. A partir de décembre, suite à la moins bonne qualité de l’herbe, leur alimentation sera complétée par le foin fauché en été par les soins de Mr G. Si une brebis boite ou souffre d’un abcès, elle sera attrapée le matin, avant la montée en alpage, et soignée. Si la brebis suit difficilement le troupeau, elle restera dans une petite bergerie, le temps qu’elle se rétablisse. Tous les 15 jours, l’ensemble du troupeau passe au « bain de pied » afin que la corne des sabots se durcisse. Le drogage a lieu quant à lui deux fois par an et a pour but le déparasitage des brebis. Dans le troupeau de Gilbert, trois agnelages (naissance des agneaux) ont lieu par an : août, décembre et février. Chaque brebis a une portée par an et, après une gestation de 5 mois, met bas en général un petit quoique deux jeunes ne soient pas rares. Les dix béliers seront donc mis à la lutte dans le troupeau trois fois par an pour une période de 34 jours chacune, tout en sachant que le cycle complet d’une brebis est de 17 jours. Les agnelages auront lieu à Sisteron, sous la surveillance de Mr G. Destinés à la boucherie, la quasi-totalité des agneaux seront vendus, certaines agnelles rejoignant par la suite le troupeau afin de permettre le renouvellement le troupeau. Les meilleurs prix de vente seront obtenus aux périodes de Noël et de Pâques.

… ET PASTORALOUP

Si le loup pose un vrai problème aux acteurs de l’élevage ovin, c’est qu’il inclut le mouton dans son régime alimentaire. Face aux ongulés acrobates des montagnes (bouquetins, chamois), aux rapides cervidés ou aux féroces sangliers, le loup en proie à la fringale a trouvé une proie facile, lente et docile. Et surtout sans surveillance. Ce n’est que lorsque le mouton est gardé par des chiens et des bergers, parqué la nuit, qu’il devient alors une proie moins commode à s’approprier. Depuis la disparition du loup, les bergers et éleveurs d’ovins ont oublié comment vivre à ses côtés. Ils ont perdu les pratiques ancestrales de l’élevage, ont laissé leurs troupeaux sans surveillance et n’ont plus trouvé nécessaire l’utilisation des chiens de protection, occupant désormais leur nouveau temps libre à accomplir les nombreuses autres tâches de leur profession. Dans les régions où le loup n’a jamais disparu, comme dans les Abruzzes, les Asturies ou les Carpates, les éleveurs n’ont jamais cessé de perdurer les pratiques pouvant permettre une cohabitation avec les loups ou avec les autres grands prédateurs, comme le lynx et l’ours. Selon ces éleveurs, « les attaques font parties de la tradition », et, dans un manuel agricole italien du siècle dernier, les pertes dues aux loups sont comprises dans les prévisions. Ainsi, dans les zones qui ont vu disparaître puis réapparaître le loup, comme les Alpes françaises et suisses ou le Parc régional du Gigante, en Italie, le retour des grands prédateurs est rude et nécessite une ré-adaptation aux anciennes pratiques de l’élevage, c’est à dire la protection et le gardiennage permanent des troupeaux dans le cadre d’une stratégie universelle et efficace : la trilogie chien-berger-enclôt de nuit.

LE LOUP, REVELATEUR DES PROBLEMES DE L’ELEVAGE ? Il peut dans un premier temps paraître étrange que la profession agricole considère le loup comme un ennemi à abattre absolument lorsque l’on sait que les pertes dues à ses attaques concernent moins de 1 % du cheptel domestique (1472 brebis indemnisées en 2000 pour l’ensemble des départements alpins français) et que d’autres problèmes bien plus sérieux fragilisent la profession.

Tout d’abord, le chien domestique inflige des dégâts bien supérieurs à ceux du loup au sein d’un troupeau ovin. Selon les diverses estimations, les chiens divagants, le plus souvent les chiens du village ou du voisin, sont responsables de la mort de 80 000 à 500 000 brebis chaque année.

Les troupeaux ovins sont également touchés lourdement par la brucellose ovine, maladie transmissible à l’homme (fièvre de Malte). En 1996, ce sont près de 20 000 animaux qui ont été abattu. De plus, la lutte contre la maladie a un coût non négligeable (41,7 millions de francs en 1997) dont les éleveurs sont contraints de payer une parties des frais. La région PACA est une des régions les plus touchées par la brucellose ovine. En dernier lieu, c’est peut être la forte concurrence de la filière ovine et des coûts de production très faibles, comme en Nouvelle Zélande et en Angleterre, qui affaiblit le plus l’activité agricole ovine.

De plus, rappelons que le métier d’éleveur ovin dans une pratique d’élevage extensif est une activité difficile et dont les revenus font partis des plus bas de la profession agricole, et cela malgré les primes dont bénéficient les éleveurs.

Les pertes dues aux loups semblent être donc insignifiantes compte tenu des différents problèmes des éleveurs et des dégâts dus aux chiens errants et à la maladie. Il semblerait plutôt que le loup, considéré comme un nuisible depuis la nuit des temps, révèle les nombreux malaises de l’élevage ovin et permettent aux acteurs de ce dernier de faire front contre un ennemi commun. Le loup est en quelque sorte « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ».

LE PROGRAMME LIFE Face aux attaques de loups sur le cheptel domestique, la meilleure stratégie de protection semble être l’utilisation d’enclôts de nuit, de chiens de protection et une surveillance humaine de tous les instants. Rappelons néanmoins que, si ces précautions sont efficaces et diminuent grandement les attaques de loups, elles ne sont et ne peuvent être efficaces à 100 %. Mais, avec la disparition des grands prédateurs, de nombreux éleveurs et bergers n’ont plus jugé utiles l’utilisation de chiens de protection et les parcages de nuit. De plus, ils ont laissé les troupeaux sans surveillance dans les alpages, ne leur rendant visite qu’une à deux fois par semaine et se contentant de surveiller leur progression depuis la vallée avec des jumelles.

Véronique, aide-berger financé par le programme Life Photo Sandrine Andrieux
Véronique, aide-berger financé par le programme Life Photo Sandrine Andrieux

C’est dans le but de remettre ces mesures de prévention indispensables dans les alpages pour pouvoir cohabiter avec le loup, et aussi de permettre les indemnisations des dégâts imputés au loup et de suivre la progression de l’espèce sur l’arc alpin, qu’ont été mis en place deux programmes LIFE (Instrument Financier pour l’Environnement). Le premier, co-financé par l’Union Européenne et le ministère de l’Environnement) et d’un montant de 8 millions de francs, s’est déroulé de 1997 à 1999 et a concerné les Alpes du Sud (Alpes Maritimes, Alpes-de-Haute-Provence et Hautes-Alpes). Le second programme a été financé à hauteur de 18 millions de francs et a vu le ministère de l’Agriculture rejoindre le financement. Appliqué dans les 8 départements concernés par le retour du loup, il se terminera en mars 2003. Le programme LIFE finance ainsi les éleveurs afin qu’ils puissent s’équiper en parcs de contention, mobiles ou fixes, en chiens de protection et qu’ils puissent bénéficier de l’aide d’un aide-berger pour une période d’environ 3 mois par estive. Ses alpages étant situés en zone à loups, dans le massif des Monges, Gilbert D. a pu donc obtenir des filets électriques et un électrificateur, une installation complétée par ses propres deniers. De même, c’est la troisième année consécutive qu’il reçoit un aide-berger pour l’aider dans sa tache de gardiennage. Véronique, ancienne éco-volontaire Pastoraloup, est ainsi restée du 20 juin au 20 septembre 2002 sur les alpages de Gilbert. Par contre, celui-ci n’a pas souhaité jouir des chiens de protection financés par le programme, trouvant contraignant leur présence dans le village de St Geniez en dehors de l’estive.

PASTORALOUP Outre les actions du programme LIFE, l’association Groupe Loup France , créée en 1993, permet l’introduction de bénévoles auprès des éleveurs ovins établis en zone à loups qui souhaitent accueillir ces écovolontaires afin d’alléger leurs charges de travail. Pendant toute la durée de l’estive, des bénévoles se relaient ainsi sur les alpages pour une durée de 3 semaines chacun. Ils sont nourris et logés par l’éleveur et apportent en retour à celui-ci une aide matérielle. Gilbert D. participe en conséquence au programme Pastoraloup depuis au moins deux ans, un programme dont il a connu l’existence par « le bouche à oreille ». Selon les éleveurs, les actions demandées sont différentes. Chez Gilbert, le but du programme Pastoraloup est essentiellement d’assurer une présence permanente humaine auprès du troupeau afin d’éviter les interactions loup / brebis. Ainsi, j’étais chargée de surveiller le troupeau pendant les périodes de chômes et la nuit. Pendant celle-ci, je dormais dans une tente près des brebis, parquées néanmoins dans un enclôt, prête à intervenir si les brebis étaient paniquées par un prédateur ou par toute autre raison. J’ajoute également qu’on ne peut raisonnablement demander à un éleveur français de travailler 24 heures sur 24 pour surveiller son troupeau. Je crois qu’il faut au moins deux personnes au sein d’un troupeau afin de garantir une présence perpétuelle, du moins pendant l’estive. Mais Pastoraloup, c’est aussi un échange entre deux mondes qui ne se connaissent pas, le monde citadin et le monde rural. C’est aussi le plaisir, pour l’éleveur, de faire connaître son métier, et pour le bénévole, moi en l’occurrence, le plaisir d’apprendre de nouvelles connaissances.

Conclusion.Pour Gilbert, le retour du loup en France et dans les alpages semble être un point plus positif que négatif car il lui a apporté des aides matérielles qui ont pu faciliter sa vie de tous les jours. Quant on lui demande ce qu’il pense de l’animal, il répond qu’il n’est « ni pour, ni contre ». Actuellement, il ne trouve pas la situation désagréable mais paraît inquiété quant à la suite des événements : si les aide-bergers sont supprimés, suite à la fin du programme LIFE l’année prochaine, et si le nombre de loups augmente dans le massif des Monges, comment pourra t-il supporter seul la situation ? Néanmoins, il est de ces éleveurs qui jouent le jeu en protégeant efficacement son troupeau. De plus, il est prêt à souscrire une assurance « grands prédateurs » comme il bénéficie déjà d’une assurance contre les attaques de chiens errants. Et si Gilbert n’a jamais subi d’attaques de loups sur son cheptel, c’est peut être tout simplement parce que ses brebis profitent d’une présence humaine permanente, prouvant qu’une bonne protection des troupeaux sait se révéler efficace.

D’ailleurs, si tous les éleveurs concernés par le retour du loup, à l’instar de Gilbert, pouvaient, sans aimer le loup, du moins accepter la réalité de sa présence en protégeant efficacement leur troupeau, les problèmes dus à la présence du loup n’auraient pas cette importance qu’on leur accorde. J’ajoute également que seuls les éleveurs protégeant leur troupeau devraient être indemnisés des attaques de loups.

Quant à moi, j’ai, grâce au programme d’écovolontariat Pastoraloup, appris beaucoup de choses, notamment dans le domaine de la vie rurale et de l’élevage ovin. En vivant dans l’intimité d’un éleveur et de son troupeau, j’ai réalisé que le loup, même s’il restait un problème secondaire, n’en demeurait pas une contrariété pour la profession ovine. Toutefois, je suis maintenant plus à même de pouvoir trouver des solutions réelles pouvant permettre une cohabitation durable entre le monde de l’élevage et l’existence du loup dans les montagnes françaises. J’ai appris également à admirer cette profession que je juge aujourd’hui comme un des plus beaux métiers du monde. Néanmoins, j’aurai aimé être au sein d’un troupeau protégé par des chiens de protection afin de pouvoir réaliser l’importance de leur travail de défense. J’aurai aimé aussi assister aux agnelages et à la mise à la lutte des béliers. Aussi, j’aurai trouvé intéressant d’être placée dans un troupeau des Alpes Maritimes, peut être pour voir, sur la crête, en face, un loup…