Von der Leyen et les loups : des propos irresponsables et mensongers

Von der Leyen et les loups : des propos irresponsables et mensongers

Photo Eric Durr
Actus de Ferus Actus en France Actus loup Toute l'actualité
Photo Eric Durr

Suite au communiqué anti-loup de la Commission européenne en date du 4 septembre 2023, nos associations dénoncent aujourd’hui des propos gravissimes et un message négatif pour la conservation de la biodiversité.

Ursula von der Leyen, présidente de la commission européenne, ne nous avait pas habitués à de telles déclarations d’un niveau rare d’ignorance et d’irresponsabilité. Sur quelle base scientifique se fonde-t-elle pour affirmer que le loup est un danger pour les humains ? Il y a 1000 loups en France, davantage en Allemagne, 2000 en Espagne, plus de 3000 en Italie, 3500 en Roumanie et d’autres populations importantes résident en Europe de l’Est, d’où l’espèce n’a jamais disparu. Si le loup s’attaquait aux humains, on le saurait depuis longtemps ! Même si un accident est toujours possible, comme avec n’importe quelle espèce animale sauvage comme domestique, il n’existe aujourd’hui aucun témoignage sérieux d’attaque de loup sur l’homme en Europe. Ces allégations alarmistes sont scandaleuses venant d’une responsable politique d’un tel rang.

Ursula von der Leyen lance-t-elle une vindicte personnelle contre le loup suite à la mort de son poney en septembre 2022 (tué par un loup) ou utilise-t-elle l’animal comme manœuvre politique pour s’assurer le renouvellement de son mandat en 2024 ? Il serait déplorable de la part d’une présidente de la Commission Européenne de mélanger ainsi affaire personnelle et intérêt général.

Quoiqu’il en soit, les lobbies et élus anti-nature désirant déclasser le loup depuis des années ont trouvé en elle une alliée de choix alors que jusqu’à présent la révision du loup n’était pas du tout à l’ordre du jour de la Commission. Même si les populations de loups sont en expansion grâce à une certaine dynamique démographique et à la présence de nombreuses proies sauvages, en particulier des ongulés, sur tout le territoire européen, l’espèce reste encore vulnérable compte-tenu de la pression politique et lobbyiste qui est exercée suite à son retour.

Ursula von der Leyen appelle ensuite les « autorités locales et nationales à prendre les mesures qui s’imposent. En effet, la législation européenne actuelle leur permet déjà de le faire », sous-entendu « vous pouvez tuer des loups ». En France, nos associations déplorent déjà depuis des années que les pouvoirs publics usent et abusent des exceptions permises par la Directive Habitat-Faune-Flore pour abattre des loups à outrance (jusqu’à 21 % de la population selon l’arrêté cadre) sans même respecter les conditions nécessaires et alors même que les scientifiques (rapport 2017 OFB / MNHN) ont alerté sur le trop grand nombre de tirs de loups pour garantir la conservation de l’espèce à long terme.

Rappelons que l’Italie et l’Espagne ont mis un terme à leur politique de tirs en constatant leur inefficacité. Seule la France maintient un niveau élevé de tirs : 200 loups peuvent être abattus cette année alors même que la population donne des signes de faiblesse (1)…

Enfin, si la Commission européenne envisage, sous l’impulsion de sa Présidente, de proposer une modification de la directive Habitat en vue de réduire, voire de supprimer les textes protecteurs du loup, elle s’expose à méconnaître gravement ses engagements internationaux, ainsi qu’à commettre une atteinte aux dispositions de l’article 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). En effet, l’Union européenne a signé la convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe, et doit, de ce fait, respecter ses engagements, dont la protection stricte du loup fait partie. Fort heureusement, l’infléchissement de la protection du loup à travers les textes nationaux comme européens n’est possible qu’en empruntant un chemin  juridiquement long.

Alors Madame Von der Leyen, s’agit-il d’un effet d’annonce pour contenter certains lobbies ? Ou envisagez-vous de méconnaître les textes fondateurs que vous êtes censée respecter et protéger ?  Vos seuls propos trahissent les engagements de l’Union européenne à l’égard de la protection de la biodiversité.

Nos associations continueront de soutenir qu’une cohabitation apaisée avec l’élevage et les humains est possible et que le retour du loup est une chance pour nos écosystèmes. Elles rappellent que seules les mesures de protection (berger, chiens de protection, filets électriques notamment) sont efficaces pour protéger les troupeaux.

(1)   Les dernières données OFB montrent une croissance de la population de loups de seulement 0.73 % (alors qu’elle était de 12 % il y a 5-6 ans).

Les associations signataires : FERUS, ASPAS, SFEPM, le 11 septembre 2023


Communiqué de l’EAWC / Alliance européenne pour la Conservation du Loup (dont FERUS est membre fondateur), 11 septembre 2023

L’Alliance Européenne pour la Conservation du Loup (EAWC) représentant les organisations signataires et exigeant au nom de la société civile une meilleure protection du loup (Canis Lupus) en Europe, exprime sa profonde déception et sa forte préoccupation au sujet du récent appel de la Présidente de la Commission Européenne Ursula von der Layen quand elle presse urgemment les autorités locales des différents Etats Membres de faire plein usage des dérogations existantes de la Directive Habitat et les invite à fournir des données en vue de réexaminer le statut de protection du loup dans les Etats Membres de l’UE.

Aujourd’hui dans certaines parties de l’UE les populations de loups croissent en réinvestissant des zones d’où le loup avait été persécuté et exterminé au siècle dernier, alors que dans d’autres zones d’Europe elles sont maintenues à des niveaux innacceptablement bas avec l’objectif de freiner leur expansion naturelle. La montée de la prise de conscience écologique et des mesures de protection, à la fois au niveau national et européen, ont sans aucun doute favorisé son retour. Cependant ce retour du loup dans les forêts et campagnes européennes est loin d’être achevé.

Selon le LCIE la tendance positive actuelle pourrait facilement être inversée car certains enjeux majeurs de sa conservation n’ont pas été traités et la plupart d’entre eux n’ont même pas été abordés(1). Il est alors regrettable que la Présidente de la Commission Européenne prétende – contrairement aux recommandations de la communauté scientifique – que le statut de conservation du loup soit sécurisé et que les prélèvements puissent autorisés plus librement pour résoudre des conflits potentiels.

Il n’y a aucun doute que le retour du loup est affecté par des multiples enjeux. Les initiatives prises par les Etats Membres pour empêcher la prédation des troupeaux et promouvoir la cohabitation sont trop peu nombreuses, particulièrement dans les pays où le loup a été absent durant des décennies. De plus les systèmes de monitoring des populations ne sont pas standardisées entre les différents pays et souvent pas au niveau requis, donnant une image erronée de l’état de conservation. Enfin de nombreux pays n’ont pas adopté un plan de conservation pour des raisons politiques. Et le braconnage reste un risque sérieux qui affecte le retour naturel du loup.

Il faut aussi souligner que dans certains pays comme la Suède et la Finlande, l’utilisation généreuse de l’Article 16 est justifié pour des raisons économiques alors que les dérogations sont en fait utilisées pour de la chasse récréative. D’autres Etats Membres (comme la France) utilisent les dérogations pour limiter la prédation avec des tirs. Mais l’effet de ces tirs est mitigé, parfois les dégâts au contraire augmentent. Cette pratique de recours aux dérogations pose de sérieuses questions. Plutôt que de demander aux autorités locales d’utiliser plus les dérogations sur la base d’une « expérience » subjective, ces dérogations au statut d’espèce protégée devrait être restreintes aux cas où les résultats d’études scientifiques valident que dans une situation donnée ce serait la seule solution. Une pratique restreinte contribuerait aussi à une meilleure acceptabilité du loup en zones rurales et une promotion de la cohabitation, car les tirs ne peuvent jamais être une solution à long terme du fait que le loup appartient à nos écosystèmes.

EAWC demande à conserver le statut de protection du loup à son niveau actuel et en même temps nous demandons un changement de braquet dans le domaine de la promotion de la cohabitation avec les grands carnivores. En favorisant différentes actions, comme :

– une standardisation des protocoles de monitoring (car les loups ne connaissent pas les frontières),

– des méthodes de protection non-létales (tout en s’assurant qu’elles sont correctement mises en place et adaptées aux contextes spécifiques)

– un effort sur la tolérance envers l’espèce, avec de la pédagogie

il est possible d’assurer la viabilité à long terme de l’espèce. Viabilité qui est aussi essentielle pour augmenter la résilience des écosystèmes aux changements climatiques et à la crise de la biodiversité.

En résumé nous mentionnerons l’adoption récente de la loi de restauration de la nature qui engage les Etats Membres à restaurer 20 % des aires terrestres et marines d’ici 2030, pour stopper la perte de la biodiversité et lutter contre le changement climatique. A la lumière de ces engagements il serait contre-productif de soutenir une diminution de la protection légale du loup. Au contraire la priorité devrait être de travailler à des solutions de cohabitation non-létales pour obtenir une cohabitation apaisée avec le loup, comme espèce clé de nos écosytèmes.

(1)Boitani, L., Kaczensky, P., Alvares, F., Andrén, H., Balys, V., Blanco, J. C., … & Patkó, L. (2022, November). Assessment of the conservation status of the Wolf (Canis lupus) in Europe. In Prepared for the Berne Convention on the Conservation of European Wildlife and Natural Habitats and the Council of Europe. Available at: https://rm.coe.int/inf45e-2022-wolf-assessment-bern-convention-2791-5979-4182-1-2/1680a7fa47

Les association de l’European Alliance for Wolf Conservation / Alliance Européenne pour la Conservation du Loup :

  • Estonian Large Carnivores, Estonia
  • FERUS, France
  • Gruppe Wolf Schweiz, Switzerland
  • Io non ho paura del lupo APS, Italy
  • Luchs – und Wolfsschutz Bayerischer Wald, Germany
  • Latvijas ainavas, Latvia
  • Lobo Marley, Spain
  • Luontoliiton susiryhmä, Finland
  • Natagora, Belgium
  • NOAH – for dyrs rettigheter, Norway
  • Animal Welfare Society AniMa, Slovenia
  • Svenska Rovdjursföreningen, Sweden
  • Ulvetid, Denmark
  • Werkgroep Wolf Nederland Netherlands
  • Zoo Logical, Portugal