Groupe National Ours : les propositions de Nature Comminges

Groupe National Ours : les propositions de Nature Comminges

Actus en France Actus ours Toute l'actualité

Courrier de Nature Comminges à Nathalie Kosciusko-Morizet

Saint-Gaudens, le 19 décembre 2008

Madame la Secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie
Secrétariat d’Etat chargée de l’Ecologie
20, Avenue de Ségur
75302 PARIS

OBJET : Propositions aux ateliers de travail du Groupe National Ours

Madame la Secrétaire d’Etat,

L’association NATURE COMMINGES souhaite vous faire part de ses préoccupations et de ses propositions concernant la situation du moment qu’elle souhaite transmettre aux Ateliers de travails mis en place par le Groupe National Ours du 18 décembre dernier.

Lors de l’élaboration du Plan de Restauration et de Conservation de l’Ours Brun dans les Pyrénées françaises en 2004, les associations de protection de la nature du massif pyrénéen avaient exprimé à la DIREN de Midi-Pyrénées leurs inquiétudes concernant certains reculs significatifs de la protection des habitats forestiers de l’ours brun par rapport aux règles spéciales d’aménagement et de gestion des forêts publiques en zone à ours dans les Pyrénées françaises (approuvées par arrêté interministériel du 28 mars 1994) et par rapport à la note interministérielle de septembre 1988 concernant les actions pour la restauration de l’ours. Au cours de ces trois dernières années, les services de l’Etat ont clairement dissocié la problématique de l’ours des autres problématiques naturalistes de la région (gestion des milieux du grand-tétras, prise en compte des habitats d’intérêt communautaire dans le cadre de Natura 2000), abandonnant même la politique de reports de coupes qui avait permis de préserver des sites de tanières dans les Pyrénées centrales dans les décennies précédentes.

De nombreux gestionnaires ont invoqué la lourdeur des démarches de préservation des habitats de l’ours, dans un contexte économique difficile pour l’exploitation forestière. Il n’a pourtant pas été démontré à ce jour que la présence de l’ours constituait une contrainte significative pour la filière bois locale, de nature à justifier unilatéralement un assouplissement des règles spécifiques de gestion existantes. Du fait de la petite taille de la population d’ours actuelle, de la relative adaptation des plantigrades réintroduits à leur habitat pyrénéen, et de la surface extrêmement modeste des sites vitaux occupés (correspondant à quelques ares ou hectares pour la plupart situés hors forêt de production), il nous paraît important aujourd’hui de relativiser les contraintes liées à la préservation du plantigrade. Bien au contraire, une politique de préservation de zones refuges visant à fixer les ours en marge des secteurs anthropisés voués au tourisme ou au pastoralisme, participerait à l’équilibre du territoire et permettrait peut-être de prévenir des décantonnements vers des secteurs où leur présence n’est pas souhaitée.

Anticiper une telle gestion du territoire montagnard nécessite à nos yeux la réactivation des Comités Techniques Ours chargés d’examiner les aménagements en zone à ours dans les départements concernés. Depuis 2005, on note un abandon complet de l’examen au cas par cas des coupes forestières et des aménagements en zone de présence régulière de l’ours sur l’arrondissement de Saint-Gaudens. Cet abandon est venu interrompre une discussion menée jusqu’en 2004, sous l’égide de Monsieur le Sous-Préfet de Saint-Gaudens, entre les différents acteurs (DIREN, ONF, ONCFS, Services de la Sous-Préfecture, Communes, CRPF, Chambre d’Agriculture, associations de protection de la nature), autour des coupes forestières prévues à l’état d’assiette et des aménagements susceptibles d’avoir un impact significatif sur les milieux naturels montagnards. La réactivation de ces Comités départementaux en Haute-Garonne permettrait de renouer avec un travail constructif, qui avait abouti à la formulation de nombre de recommandations de bon sens pour la cohabitation de l’ours brun avec les activités humaines.
Plus difficile est la gestion des activités cynégétiques en zone à ours. Depuis une dizaine d’années, la plupart des mortalités de femelles suitées ont été imputables à des actes de destruction lors des battues. Des évènements récents (mort de Cannelle, tir sur l’ours Balou, incident dans le Val d’Aran avec l’ourse Hvala), sont venus nous rappeler que la chasse en battue, pratiquée en automne et en hiver, perturbe la vie de l’ours à une époque cruciale où il nécessite la constitution de réserves pour affronter le jeûne hivernal. On touche ici aux limites d’un système simplement basé sur la déclaration préalable des battues, s’en remettant à l’information et à la responsabilisation des chasseurs, en l’occurrence les fédérations départementales qui ont signé avec l’Etat, en août 2005, une charte « relative à la pratique de la chasse dans les Pyrénées prenant en compte la présence de l’ours brun ». Si de telles dispositions ont le mérite d’une formation des chasseurs (notamment pour « prévenir les risques d’accident entre un chasseur et un ours »), elles ne comportent aucune disposition contraignante de nature à garantir la tranquillité des sites vitaux.

Dans son arrêt du 27 mars 2008, le Tribunal Administratif de Pau a annulé les dispositions des arrêtés du Préfet des Pyrénées-Atlantiques des 4 novembre 2005, 21 juillet 2006 et 29 juin 2007 relatives à la conservation de l’habitat de l’ours au motif que les trois arrêtés préfectoraux attaqués “méconnaissent tant les objectifs de la directive “Habitats” que l’article L.411-1 du code de l’Environnement *”

C’est pourquoi, nous demandons qu’une discussion soit menée en Conseil départemental de la Chasse et de la Faune Sauvage sur la définition de zones sans battues correspondant aux sites vitaux identifiés (qui correspondent grosso modo à ceux qui ont été ceux des populations d’ours pyrénéennes). Nous demandons que les prochains arrêtés généraux d’ouverture et de clôture de la chasse instaurent, à compter de la campagne 2009-2010, prévoient des zones sans battues qui s’appliqueraient aux chasses collectives dans des zones précises de son domaine vital et identifiées pour des périodes déterminées.

Cette problématique de la chasse est en partie liée à la gestion de la voirie sylvo-pastorale. Rappelons que celle-ci a été financée dans un objectif strictement sylvicole ou pastoral, mais que de nouveaux usages tendent à se généraliser par une toute série d’utilisateurs de loisirs (4X4, trials, quads, etc), parfois au détriment de la loi n°91-2 du 01 janvier 1991 sur la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels. En Haute-Garonne, sur un échantillon de 34 accès dont nous avons étudié la fréquentation entre 2005 et 2008 à différentes périodes de l’année, 29 accès sont équipés de panneaux BO qui sont restés en place à 100% des visites. Certains d’entre eux ont été restaurés (Boutx), 7 d’entre eux en sont dépourvus (Bourg d’Oueil, Pradaus, Touc, Clin, Fontaine de l’Ours), d’autres sont dégradés (route forestière domaniale de Cygalère). 10 accès sur les 34 recensés n’ont aucun dispositif de barrière. Les 9 accès de Bourg d’Oueil, Montné, Cap de la Pène, Téchous, Pesson, Joueou, Bois neuf, Col.du Haut, Maudan) sont les seuls à présenter un dispositif en parfait état et fermé. Sur les autres accès restants, on constate que la barrière est restée ouverte entre 50 et 100% des visites entre 2005-2008. Sur les 25 pistes équipées de barrières 17 pistes ont un système de fermeture soit absent, soit hors d’usage.

La problématique de gestion de l’usage des routes et des pistes forestières et pastorales doit rester une préoccupation de gestion, quel que soit leur statut (domanial, communal, privé). C’est pourquoi nous demandons un renforcement de tournées mutuelles de surveillance entre l’Office National des Forêts, l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage et le PGHM de Luchon sur certains accès qui ont fait l’objet d’engagements vis à vis de la faune sauvage, où l’on constate un mauvais état des dispositifs (barrière systématiquement ouvertes…) et de nombreux constats de véhicules sans autorisation :

  • route du « Chemin Louise » (Forêt communale de Bagnères de Luchon) ,
  • route de Herran (Forêts communales de Montauban de Luchon-Sode),
  • route de Burat-Palarquère (Forêt domaniale de Marignac),
  • routes forestière de la Seube et du Soulan (Forêt communale de Boutx).

Parallèlement, nous demandons que des arrêtés municipaux soient pris pour limiter la circulation aux ayants droits sur les accès suivants :

  • Fontaine de l’ours (Forêt domaniale de Paloumère),
  • route de Pradaus au départ du Port de Balès (commune de Bourg d’Oueil). D’autres mesures peuvent être envisagées comme l’élaboration de conventions avec des professionnels de la montagne utilisant ces pistes, l’élaboration de conventions avec les chasseurs, pour limiter le nombre de véhicules lors des battues.

Dans l’attente de résultats tangibles, nous entendons particulièrement la prise en compte effective d’éléments de la biologie de l’ours, qui nécessitent sur des parties vitales restreintes de son domaine des mesures spécifiques assurant sa tranquillité à certains moments face aux dérangements que sont la chasse, l’exploitation forestière, la circulation automobile notamment.

Jusqu’à aujourd’hui, nos représentants ont limité leurs interventions publiques et contributions aux débats des différentes commissions et à aucun moment, pour conserver un climat serein, n’ont participé aux regrettables concerts médiatiques orchestrés autour du plantigrade. Désormais, nous porterons, si nécessaire nos critiques et approbations au-delà de ces instances, et plus particulièrement auprès de la Communauté européenne.

Nous vous prions d’agréer, Madame la Secrétaire d’Etat, l’expression de notre considération distinguée.

Pour NATURE COMMINGES

Guillaume Castaing -président.

* L’article L. 411-1 du code de l’environnement stipule : « 1. Lorsqu’un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient la conservation d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées, sont interdits : 1° ( … ) la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces ».