Quelles orientations pour une cohabitation pérenne avec le loup ?

Quelles orientations pour une cohabitation pérenne avec le loup ?

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Communiqué FNE, FERUS, FRAPNA, WWF, 8 avril 2013

Quelles orientations pour une cohabitation pérenne avec le loup ?

Que n’a-t-on lu ou entendu, à propos des décisions annoncées à l’issue du Groupe National Loup du 22 mars dernier !? Que « 24 loups seraient abattus », qu’il était décidé du « doublement du nombre de loups à tuer », qu’était institué un « véritable plan de chasse du loup », « 24 loups au tableau de chasse de 2013 » (…).

Ces annonces sont simplement fausses, et mensongères. Qu’elles proviennent parfois de certains réseaux naturalistes peut étonner, puisque comme celles de nombre d’opposants à la présence du loup, ces déclarations confondent (ou font semblant) plafond de dérogation annuel maximal et quota de loups à détruire…

Deux questions : est-il sérieux de prendre pour seul étalon du contenu du Plan le chiffre (pour 2013) du plafond maximal ? Ou pour le dire autrement, est-il possible d’évaluer l’ensemble de ce plan, ces objectifs, ses moyens, ses conséquences prévisibles sur la population de loups en France, plutôt que de se focaliser sur le seul chiffre du plafond 2013 ?

Pour ne pas se payer de mots, ou d’appréciations abruptes, la base est de prendre connaissance du Plan. Le communiqué publié par Ferus-WWF-Frapna-FNE constate parmi d’autres appréciations le fait que ce plan est « bordé » comme il se doit, et qu’il rappelle le cadre général dans lequel se prennent ses orientations. Certains s’étonnent de la nécessité de ce rappel : il est facile de penser que cela va de soi, moins de les voir inscrire dans le plan pour quatre ans. Le rapport de forces chez les élus, dans les administrations, les pressions de toutes sortes et démagogies nombreuses font que ces rappels sont fondamentaux. Sans cela, la voie vers un contingentement spatial (zonage) et numérique de l’espèce était ouverte, réclamée bien sûr et confortée par les inspecteurs missionnés par NKM. Le travail inter-associatif, les précisions sur les lignes rouges ouvrant directement au contentieux, ont porté sur ce point leurs fruits. On peut imaginer et dire que c’est normal et aisé, mais ce n’est pas la réalité du débat public et de ses conditions réelles.

Ensuite, le cadre légal prévoit la protection, et également des dérogations, strictement encadrées, ce sur quoi les associations s’appuient en permanence, à propos de l’exigence des moyens de protection, sur l’état et la dynamique de la population, etc. La lecture des « guidelines » européennes permet de constater que l’on peut s’appuyer dessus juridiquement pour par exemple la question du zonage et de l’aire de répartition de l’espèce, mais de façon beaucoup plus difficile sur les modalités dérogatoires. Et la manière dont la Commission encadre les politiques nationales (celles qui sont déclarées en tout cas, on ne peut sérieusement prendre le braconnage officieux et notoire italien comme référence, 10 à 15 % minimum selon Boitani) montre pour les protecteurs une marge de manoeuvre effectivement limitée. Dans ces conditions, avoir pour base dans le Plan 2013-2017 une augmentation annuelle minimale de 10 % est stratégique. Cette valeur guide pour les décisions annuelles en fonction du développement réel de la population, qui intègre nécessairement les destructions illégales, est le socle du plan et nous permettra d’exercer une vigilance rigoureuse et positive pour toutes les décisions à venir.

Quelle est la situation concrète de la population aujourd’hui ? Nous connaissons tous les fluctuations de certaines meutes, les pratiques dans certains massifs… En même temps nous constatons, année après année, une moyenne de croissance de 18-19% des indicateurs spatiaux et numériques, l’expansion géographique dans de nouveaux massifs, etc. Qui aurait tablé sur cet état de fait il y a dix ans ? En 2002, l’horizon pour une population viable, avec à l’époque moins d’une trentaine de loups, était au niveau associatif estimé au « socle » de 12 à 15 meutes reproductrices (et non un nombre de loups bien sûr) ; mais personne n’aurait pu affirmer que vingt ans après son arrivée et avec toutes les difficultés que l’on sait (dont le braconnage, mais pas seulement), il y aurait en 2012 29 zones de présence permanente, 12 à 14 meutes reproductrices selon les années, des extensions géographiques fragiles mais qui démontrent la dynamique de l’espèce. Est-il possible de se dire, au niveau inter-associatif, que nous visons plus une consolidation de cette dynamique et les conditions d’une présence pérenne, qu’un chiffre à l’horizon du plan (2017) dont nous avons du mal à dire ce qu’il pourrait être ? Quand on voit que les orientations et les perspectives de ce plan vont vers cette consolidation, doit-on seulement se dire que théoriquement l’espèce pourrait être encore plus développée ?

Il faudrait dire en tout respect à ceux qui ont abreuvé de noms d’oiseaux les représentants associatifs au GNL, avec des amabilités comme « traîtres » ou « adversaires de l’écologie » que l’excès de leurs mots est dérisoire et révélateur en même temps ; qu’ils peuvent se joindre au groupe et travailler pour une présence pérenne du loup, plutôt que de rester sur des postures et distribuer des mauvais points ; qu’un certain nombre d’entre eux se sont trompés continûment depuis des années, annonçant l’affaiblissement de l’espèce ou la volonté de l’Etat « d’éradiquer le loup » ; et enfin qu’ils mesurent le travail accompli et les orientations défendues à l’aune du résultat, c’est à dire le développement de la population de loups. C’est sur cela que les APN présentes au GNL doivent être jugées, car c’est cela qui compte et dont elles sont comptables aux yeux des citoyens désireux d’avoir une population de loups en bon état de conservation en France.

Il est aussi apparemment nécessaire de rappeler qu’il s’agit en l’espèce du loup, et non de l’hermine, du castor ou du faucon pélerin. Que les donneurs de leçons de tous horizons ne se gênent pas pour présenter leurs propositions pour une cohabitation réussie qui ne passe pas par des possibilités d’interventions ponctuelles sur l’espèce, au fur et à mesure de son développement ; qu’ils nous citent un pays où il n’y a pas d’interactions (violentes) entre l’homme et ce prédateur. Nous pensons quant à nous que dans la perspective d’une cohabitation pérenne, le cap est protection partout, expérimentations nouvelles pour plus d’efficacité de cette protection, mais aussi acceptation de certains tirs dans le cas de dommages récurrents, comme prévu par les textes européens (convention de Berne et directive « Habitats faune et flore »), malgré la mise en place effective des moyens de défense et dissuasion, et bien sûr refus de toute « planification » de tirs qui serait contraire au droit, comme rappelé à plusieurs reprises à l’administration.

Enfin, il reste à rappeler aussi que le Groupe National Loup est une instance consultative, dans laquelle on ne vote pas, mais au sein de laquelle sont présentés et discutés arguments et données, avant que l’Etat ne décide et prenne ses responsabilités, seulement encadré par le CNPN. Du résultat des années passées, alors que les demandes de dérogations accrues ou de dispositifs de type « zonage » revenaient chaque année, on peut tirer que la participation des ONG, insuffisante d’ailleurs en nombre, a porté ses fruits. Mais beaucoup reste à discuter et définir collégialement pour les orientations à tenir dans les années qui viennent.

Voir le « plan loup » complet (avant passage en CNPN et validation définitive). Nous vous proposons de le lire, de l’évaluer, puis de discuter pour essayer de définir une évaluation commune. Dans un second temps (mais c’est déjà demain pour ceux qui suivent ce dossier en permanence), il faudra définir les points de vigilance, le suivi des arrêtés au niveau départemental pour contester juridiquement les arrêtés non conformes aux possibilités de dérogations, et préparer le travail interassociatif à poursuivre.

FNE FERUS FRAPNA WWF

Lire aussi :

– Nouveau plan loup : entre chien et loup (mars 2013)

– L’avenir du loup en 60 pages… (mars 2013)

– Plan national loup 2013-2017 : réaction de FERUS (mars 2013)

– Nouveau plan loup : FERUS reste attentiste (février 2013)

couv plan loup
Plan loup 2013-2017

Nous sommes à disposition de qui veut pour débattre ou apporter des infos, dans le respect de la complexité de ce sujet et loin des caricatures.

Pierre Peyret pour FERUS, J.David Abel pour FNE, Bob Erome pour la FRAPNA, J.Christophe Poupet pour le WWF

FNE FERUS FRAPNA WWF

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